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Mes Univers
9 février 2022

Pourquoi il n'est pas dans l’intérêt de Vladimir Poutine de poursuivre son bras de fer avec l'Occident à propos de l'Ukraine :

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Cette question est complexe ; sa réponse l'est tout autant. Alors, pour ceux et celles qui désirent avoir mon point de vue approfondi sur ce sujet, continuez votre lecture, même si celle-ci vous parait longue et fastidieuse. Pour ceux et celles qui se contentent des simplifications et des facilités qui n'alimentent en rien le débat à son propos, qui le réduisent comme peau de chagrin à des certitudes toutes faites, à des préjugés, à des outrances ouvrant la voie à l'intolérance, à la violence, à la bêtise, aux fake-news, et à l'ignorance assumée, passez votre chemin ! Il n'y a rien ici qui puisse vous intéresser !
En préambule, il faut se souvenir d'un fait qu'il est essentiel de souligner afin de comprendre la situation ; afin de comprendre pourquoi, aux yeux de Vladimir Poutine, l'Ukraine est si vitale : Poutine, qu'on le veuille ou pas, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, est un enfant de l'époque où l'Union Soviétique était une Super-puissance. C'est un nostalgique de l'époque où elle était le pendant des États-Unis, et plus généralement, de l'Occident. Il a été éduqué, une grande partie de sa carrière, notamment au KGB, s'est construit avec cet idéal. Alors, lorsque tout d'abord le Mur de Berlin s'est écroulé en 1989, ensuite lorsque l'URSS et son idéologie communiste, se sont effondrés à partir de 1991, l'idéal auquel il a voué toute la première partie de son existence est parti en fumée. Et, personnellement, je pense qu'il s'agit là pour lui d'une blessure qui n'a jamais cicatrisée.
C'est Boris Eltsine qui lui a fait gravir les premiers échelons du pouvoir de la période post-soviétique. C'est lui qui, après Gorbatchev et sa Perestroïka - à l'origine, selon Poutine, du chaos qui s'en est suivi -, qui a introduit le capitalisme dans son pays. Avec ses bons et ses mauvais cotés. Ses bons cotés étant son ouverture au monde et aux possibilités commerciales infinies qu'elle lui apportait. La possibilité, pour les plus audacieux, pour les plus courageux, pour beaucoup qui étaient déjà en place au terme de l'ère précédente, de se lancer dans les affaires ; des affaires particulièrement juteuses. Ses mauvais cotés étant le développement d'une corruption quasi-généralisée, l'appropriation de secteurs entiers de l'économie russe par des oligarque sans scrupules au méthodes souvent de gangsters ; flirtant avec la pègre et l'abus de biens sociaux.
Vladimir Poutine a amplement profité de son poste de conseiller auprès de Boris Eltsine pour développer un réseau au sein de ces milieux ; il s'en est servi pour s'octroyer une clientèle qui lui était redevable. Il s'est appuyé sur ceux auxquels il a rendu service afin de s'approprier des fonds - venus de l'étranger parfois - à l'origine destinés à rebâtir leur nation sur de nouvelles bases. C'est notamment - mais pas seulement - dans ce contexte que, dans un premier temps, il est devenu le Premier Ministre de Boris Eltsine ; qu'ensuite, il l'a remplacé en tant que Président de la Fédération de Russie.
Poste auquel il s'est accroché depuis, et qui lui permet de gouverner la Russie d'une main de fer depuis plus de vingt ans désormais. Et le fait que Dimitri Medvedev lui ai succédé un temps ne doit pas faire illusion : celui-ci était la marionnette de Vladimir Poutine, qui exerçait le véritable pouvoir dans l'ombre. Il n'a été que son homme de paille. Ce n'est d'ailleurs pas anodin si, ensuite, Vladimir Poutine n'a plus jamais quitté les plus hautes fonctions de l’État, qu'il a muselé l'opposition et les médias, que des lois le proclamant "président à vie" ont été votées en sa faveur. La Douma, le parlement russe n'étant qu'un outil entre ses mains pour arriver à ses fins.
Bien-entendu, il a le plus longtemps possible atermoyé pour que l'Occident pense qu'un minimum de démocratie existe toujours en Russie. Mais, il ne faut pas être dupe. Vladimir Poutine est un autocrate ; il se moque éperdument de la liberté d'expression, des droits de l'homme, des droits des minorités - homosexuels, musulmans - ainsi que toutes les autres valeurs portées par l'Occident. Et si celles-ci sont parfois écornées en Europe ou aux États-Unis, les personnes qui s'indignent que leur liberté y est bafouée - notamment en ce qui concerne le pass vaccinal et les conséquences liées à la pandémie de Covid-19 -, devraient aller faire un tour en Russie pour se rendre compte ce qu'est véritablement la privation de liberté. Car, tous les opposants au régime sont envoyés dans des prisons qui s'apparentent plus aux Goulags d'antan qu'aux établissements pénitentiaires de chez nous ; même si, dans ce domaine, il y aurait beaucoup à dire, y compris en France ; et encore plus aux États-Unis.
Ceci-dit, la Russie - ou la Chine - en tant qu'autocratie, se moque de la contestation ; elle l'éradique par tous les moyens. Bien avant l'Ukraine, la Tchétchénie en a fait les frais. C'était dans les années 2000, et si énormément de gens l'ont oublié, ce territoire a été le premier a subir la vindicte de Poutine pour ses velléités d'indépendance vis-à-vis du grand frère russe. Sous prétexte qu'il n'était qu'un nid de terroristes - nous étions alors au cours de la période post-11 Septembre -, Poutine y a envoyé des troupes pour le reprendre en main. Il l'a nettoyé de tous les réfractaires à son intégration à la Fédération de Russie. L'occasion était trop belle.
Ceci-dit, il faut se rappeler que le peuple russe, pour la majorité de ses membres - et même si chaque élection pour laquelle ils doivent s'exprimer est truquée - est un peuple conservateur dans l'âme. Déçu par les excès du capitalisme qui l'a tout d'abord fait espérer atteindre un niveau de vie plus substantiel, il a vite déchanté. Il s'est aperçu que tout le monde n'y aurait pas accès. Il s'est rendu compte que seuls ceux qui avaient des accointances avec le Pouvoir, que seuls ceux qui savaient profiter des défaillances du système, que seuls ceux qui avaient tiré avantage du chaos qui avait suivi l'effondrement de l'URSS, en étaient les bénéficiaires. Et savoir qu'un homme fort, soutenu par l’Église Orthodoxe dont l'influence a pris un poids considérable après la chute du Communisme, qui plus est, l'a rassuré. Et s'il ce peuple n'est pas entièrement satisfait de la politique menée par Vladimir Poutine, son ambition de restaurer la "Grandeur" de ce dernier émoustille son orgueil national et sa vanité. Vladimir Poutine en est conscient et en joue fréquemment.
Par ailleurs, le peuple russe est un peuple qui n'a pratiquement jamais connu d'autre régime qu'un régime ou le dirigeant avait des tendances autocratiques. L'Empire des Tsars s'est bâti sur cette vision de l'administration des populations sous sa tutelle. Après la Révolution d'Octobre et l'avènement de Lénine, puis de Staline, il en a été de même. La raison en est aisée à concevoir. Le peuple russe est une mosaïque d'ethnies hétéroclites : russophones, turcophones, asiatiques... Et sans administration despotique, il est évident que le désordre et les antagonismes ressurgiraient très vite. Tsars ou "Présidents", et Vladimir Poutine le premier, en sont énormement conscients. Il en va de la stabilité de cette région du monde.
Ce n'est pas "l'idéal" ; de nos yeux d'occidentaux, nous nous affligeons que le peuple russe ne soit pas capable de concevoir d'autre façon d'être gouverné. Après 1991, nous avons espéré qu'il serait assez mûr pour établir une transition entre les régimes précédents et un régime plus conforme à nos valeurs. Doit-on le lui reprocher pour autant ? Je ne le pense pas. Je pense que le multilatéralisme est une bonne chose. A condition qu'il se construise dans le respect de la volonté des populations, et sans que celles-ci n'en subisse de préjudice. Or, pour s'y conformer, la crête qui suit ce chemin est très étroite.
De plus, si Vladimir Poutine est un nostalgique de l'époque où l'URSS était un géant capable de rivaliser avec l'Occident, beaucoup des populations qu'il gouverne, et qui ont été déçu par un capitalisme à outrance dont elles n'ont pas profité, le sont aussi. C'est un refuge, pour elles. Ce passé empreint de fierté est un soutien qu'elles ne se privent pas d'exalter. L'annexion de la Crimée, le différend frontalier au propos de la région du Donbass, en sont deux exemples plus récents. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que les tensions auxquelles sont soumises actuellement ces régions sont un motif de fierté pour elles.
Seules, ces régions n'auraient ni les moyens financiers ni les moyens matériels - armes en particulier - de se soulever contre leur nation de tutelle. Il s'agit de manœuvres exercées depuis l'autre coté de la frontière ayant pour ambition de la fragiliser. Avec le soutien tacite de son peuple, le Kremlin entend ainsi recouvrer son aire d'influence de jadis. Il souhaite que l'Ukraine, et éventuellement l'ensemble des ex républiques socialistes soviétiques que sont la Géorgie, la Pays Baltes, la Biélorussie... rentrent à nouveau dans son giron.
Il souhaite également éventuellement l'étendre à d'autres territoires jadis sous l'égide des occidentaux. Ses manœuvres en Syrie, ses velléités de coopération avec des pays sub-sahariens ou dans la région du Sahel sont en effet des tentatives dans ce but. Puisque les occidentaux n'y œuvrent que dans leurs intérêts - combattre le terrorisme ou y exploiter les ressources au travers des multinationales qui y sont implantées -sans que les locaux n'en profitent, Vladimir Poutine estime qu'il a un rôle à y jouer. Il pense, avec juste raison parfois, que ces multitudes vont l'accueillir à bras ouvert. Il sait que les stigmates du colonialisme européen d'antan ne sont pas tout à fait effacés. Il sait que ces nations se tourneraient volontiers vers lui pour les estomper si elles le pouvaient. Donc, à lui de créer des opportunités dont il serait apte à tirer profit.
Tant qu'il sera au Pouvoir, Vladimir Poutine usera de tous les moyens à sa disposition pour parvenir à ses fins. Il exercera toutes les pressions, tous les leviers - économiques, diplomatiques, menaces militaires... - en ce sens. Il poussera aussi loin que possible son "interventionnisme latent ou tangible - à cette fin. Qui-plus-est, prenant prétexte que l'Ukraine souhaite intégrer l'Europe, que ce pays est sous "protection" de l'Otan, il exacerbe au maximum les tensions pour placer ses pions au niveau géo-stratégique en ce sens.
Le fait que l'Ukraine désire rejoindre l'Europe, ou que l'Otan s'avère être un filet de sécurité en cas de conflit avec son voisin, est une menace aux yeux de Vladimir Poutine. Ça freine ses ambitions de reconstituer, territorialement parlant, l'URSS du temps de sa grandeur et de sa toute puissance. Il faut donc trouver des failles lui permettant de diviser ses adversaires, d’affaiblir l'Ukraine, de détacher certaines de ses contrées les plus à l'Est, et de les intégrer à la Fédération de Russie. Autre avantage, et non des moindres : c'est l'occasion rêvée pour amoindrir la robustesse des relations de l'Europe avec l’Ukraine, des États-Unis avec l'Ukraine, et de fragmenter les positions des 27 nations que constituent le Vieux Continent. Et ça, c'est un bénéfice inestimable au regard de Vladimir Poutine.
Sauf que...
Oui, sauf qu'il n'est pas dans son intérêt que la tension à propos de l'Ukraine ne gonfle immodérément. Il n'est pas dans son intérêt que ce différend se transforme en conflit armé. Et il y a plusieurs raison à cela :
Premièrement, Vladimir Poutine sait parfaitement qu'une invasion de l'Ukraine entrainerait une réaction immédiate des États-Unis, et plus globalement de l'Occident. Les États-Unis, la France, et la Grande-Bretagne, détiennent l'arme nucléaire ; tout comme la Russie. Et si cette crise atteignait ce paroxysme, il n'y aurait ni vainqueur ni vaincu. Comme lors de la crise des missiles de Cuba en 1962, chaque camp est parfaitement au courant de ce danger. Et ce n'est pas l’intérêt de la Russie d'arriver à de telles extrémités. Deuxièmement : à un moindre degré, et sous l'égide de l'ONU, pourraient en résulter des sanctions économiques. Or, nous nous retrouvons dès lors dans le même cas de figure : si l'Europe aurait beaucoup à y perdre, comme l’arrêt de l'exportation de gaz naturel, dont elle est si dépendante en matière énergétique, la Russie aurait encore plus à y perdre. Son économie intérieure est extrêmement fragile ; elle dépend en grande partie des investissements que les entreprises occidentales y font. Elle serait en outre une proie idéale pour la Chine et ses industries.
Eh oui, la Chine, cet autre rival situé à l'Est. Ce rival dont l'économie est à même de rivaliser et de devancer celle de l'Europe et les États-Unis. La Chine, cet autre adversaire militaire détenant l'arme nucléaire et ayant des visées expansionnistes - Taïwan, Mongolie, Afrique subsaharienne... La Chine, qui comprime la Russie entre l'Afghanistan et l'Ukraine. Or, la Russie de Vladimir Poutine ne peut pas rivaliser avec elle ; elle n'en n'a ni les moyens financiers ni le moyens militaires.
La Russie ne peut donc se tourner que vers l’Europe et les États-Unis pour contrebalancer la menace qu'elle fait peser sur elle. Elle ne peut pas se mettre à dos l'Occident au point de déclencher un conflit armé avec lui. L'Europe, les États-Unis, et la Russie savent tout ce qu'ils y perdraient ; et tout ce que la Chine y gagnerait. Comme la Russie ne peut s'appuyer que sur la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan, et que sur la Syrie de Bashar al-Assad pour peser sur les affaires du monde ; mais qui ne sont que deux puissances moyennes incapables de se mesurer avec l'Occident.
Les enjeux économiques, stratégiques, géopolitiques, sont intimement imbriqués les uns aux autres. Et aucune de ces puissances n'a intérêt à ce que cette escalade ne se poursuive ; en tout cas, au-delà de certaines limites. Vladimir Poutine, dans cette affaire, cherche surtout à voir jusqu'à quel point il a la possibilité de s'ériger en maitre du jeu. Ses rêves d'hégémonie sur la région du Donbass et de l'Ukraine sont dans l'incapacité de franchir le point de rupture. Malgré les dizaines de milliers d'hommes et de matériel militaire massé à la frontière, malgré les escarmouches qui s'y déroulent épisodiquement, il n'est qu'en mesure de montrer ses muscles ; pas plus, pas moins.
En conclusion, bien-entendu, comme pour d'autres événements de cette ampleur, je ne manquerai pas de suivre l'évolution de cette situation de près. Je tiens à souligner qu'il ne s'agit là que de quelques facettes - parmi bien d'autres - de celle-ci que je tenais à mettre en avant. En effet, c'est une situation à haut risques. Elle fait froid dans le dos, lorsqu'on y songe. Car il y avait des décennies que la probabilité d'une guerre entre l'Est et l'Ouest n'avait pas atteint ce niveau d'exacerbation. Celle-ci rappelle à ceux qui s'imaginent que la paix est destinée à régner pour toujours en Europe, que ce n'est pas le cas. Parfois, il suffit d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Sarajevo, Dantzig, sont des exemples qui montrent comment des dissensions mineures entre nations, entre sphères d'influence, sont à même de dégénérer si on ne sait pas stopper l'engrenage fatal à temps.
De ce fait, non, la paix n'est pas un acquis ferme et définitif. Chacun de nous soit en avoir conscience. Mais à chacun de nous d’œuvrer pour qu'elle perdure ; à chacun de nous de contribuer - chacun à sa façon - pour que nos dirigeants n'aient pas à souffler sur les braises mal éteintes de la haine, du ressentiment, ou du désir de revanche....
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