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10 juillet 2022

Les Cathares, Pages 1-5/60 :

X1

S'il consent à détourner son chemin de la traditionnelle route des vacances, le touriste qui visite les Balkans aura la surprise de découvrir dans les paysages sauvages de Bosnie l'âme d'une race montagnarde à l'énergie indomptable. Là, il aura peut-être ma curiosité d'admirer, parmi les steppes herbeuses, d'étranges cimetières jalonnés de pierres tombales et de monuments funéraires, dont les sculptures insolites ne sont pas sans rappeler les fantastiques silhouettes que l'on prête aux extra-terrestres.

Ces mains levées énormes, ces visages au regard fier, ces symboles spiralés causent un malaise. Ce sont les tombes des bogomiles, ces hérétiques précurseurs du catharisme occitan dont l'existence est à peu près inconnue chez nous bien qu'ils aient formés durant quatre siècles une véritable « Église » en marge du monde ralliant plus d'un million de fidèles, aussi bien en Bulgarie que dans le reste des Balkans.

C'est après le ressac de l'invasion ostrogothe, qui marqua profondément la population de son empreinte, alors que les Balkans étaient revenus dans la mouvance de Byzance (au Xe siècle), que se cristallisèrent les aspirations à une plus grande liberté intérieure. A cette même époque, grossie par le torrent d'une révolte spirituelle mal contenue, éclate au sein du christianisme oriental une crise religieuse héritée de l'arianisme, qui portera dans l'Histoire les noms successifs de Bogomilisme, de Catharisme, ou d'Albégéisme.

Les bogomiles, ou patarins, apparaissent ainsi en Europe orientale vers 970. Sur un vieux fond manichéen véhiculé par la secte des Pauliciens chassés d'Asie mineure sur l'ordre du patriarche de Constantinople s'implante l'hérésie dualiste.

Les premières chroniques nous informant du mouvement bogomile, qui sera désormais le moteur de toutes les révoltes religieuses au Moyen-Age, nous sont fournies par le prêtre byzantin Cosma ainsi que par un message du patriarche Théophylacte au tsar bulgare Pierre au Xe siècle.

Rencontrant d'abord un grand succès auprès des populations paysannes et des petits artisans du royaume bulgare, soumis au régime féodal, puis faisant tâche d'huile, le mouvement religieux se répand dans toute la péninsule balkanique, notamment en Bosnie et en Dalmatie, où il gagne la majorité de la population, y compris les familles nobles.

Quelle est la teneur du message bogomile ? A peu de choses près, il est semblable à la doctrine des Albigeois définie par le rituel de Lyon, et c'est bien normal puisqu'il y eut des liens constants entre ces deux importantes églises hérétiques.

Le fond de la métaphysique catharo-bogomile est le dualisme, avec toutes les conséquences d'une telle position : un démiurge, entité mauvaise, gouverne le monde manifesté, et le Dieu véritable, unique, règne sur la sphère divine. Par cette étincelle qui se trouve enfermée dans son corps (l'esprit), l'homme peut remonter vers la « divinité » originelle à condition de se détacher du monde matériel où il se trouve prisonnier. A la fin des temps, le démiurge, ou principe du mal, sera anéanti en même temps que son royaume ténébreux.

Sur le plan cosmique, le Soleil est l'astre vénéré par excellence, car il est le principe du « logos », ou Verbe lumineux sacré. C'est pourquoi il est, aux yeux des bogomiles, un symbole religieux majeur, comme en témoignent les nombreuses croix solaires et à virgules des tombes de Bosnie. Le Christ est l'envoyé du logos, et saint Jean, qui met l'accent sur cette fonction « lumineuse » de Jésus, est naturellement vénéré par les bogomiles, qui s'appuient sur son évangile et son Apocalypse.

En même temps, ils rejettent l'Ancien Testament et la Loi de Moïse, qu'ils estiment être semblable à de « la laine de chameau », c'est-à-dire un tissu de contradictions. Ils répètent que « Moïse est le Malin » ou évoquent le personnage comme « l'homme abusé par le Diable ».

Les bogomiles acceptent le « baptême de l'esprit » mais refusent la croix du calvaire : ils enseignent à le renier et même à le haïr, car elle est un instrument de supplice. Dans une légende du XIe siècle, on peut lire ce passage : « Si quelqu'un tuait ton père au moyen d'un morceau de bois en l'attachant à ce dernier, respecterais-tu et glorifierais-tu ce morceau de bois ? ». En revanche, les bogomiles avaient pris pour symbole la croix solaire, inscrite dans un cercle (identique à la croix celtique), dont la signification ésotérique est déjà connue. Tout ce tient, et cette croix solaire, opposée à la croix du supplice, magnifie le Soleil comme le grand Luminaire de l'Univers.

Précision supplémentaire : dans nombre de légendes bogomiles, la Terre n'a plus sa position centrale que lui conférait la doctrine de l’Église. La Terre perd son rôle privilégié. Dégrafée dans la structure des bogomiles, elle fait partie d'un système où le regard est capté par le Soleil. Une nouvelle corrélation cosmique s'ébauche.

Dans son « Livre des six jours », Yoan Exarque écrivait déjà au IXe siècle que certains hérétiques parlaient de la « toute-puissance du Soleil. Rappelons que jusqu'au XVIIIe siècle l’Église catholique affirma que la Terre était le centre de l'Univers. Or, un un érudit de l'époque écrit encore à propos de l'héliocentrisme des bogomiles : « Le bogomile a-t-il conscience de l'héliocentrisme dans notre système planétaire ? La réponse apparaît peut-être dans les emblèmes bogomiles, où l'image du Soleil est largement représentée, et cela avec une insistance particulière. Il est figuré soit comme un disque hérissé de flèches qui se perdent dans l'infini, soit comme une roue à cinq rayons. Mais surtout, il revêt la forme de la rosace aux pétales les plus variés connue sous le nom de « rose solaire ». Le plus souvent, la rose solaire des bogomiles comporte un disque central avec six petits cercles disposés autour. Dans ses lignes stylisées, elle rappelle étrangement le modèle graphique du système solaire. Parfois, la rose solaire est enfermée dans une circonférence, ce qui lui donne un aspect fini, comme pour symboliser l'unité. ».

Et plus loin, il ajoute : « Le Soleil est l'axe. Les bogomiles reproduisent dans leurs symboles la multitude des astres célestes et montrent la priorité du Soleil, maître non seulement du jour, mais aussi de la nuit. Des images bogomiles laissent à croire que le Soleil éclaire aussi le coté postérieur de la Terre. ».

Cette préconnaisssance de phénomènes scientifiques dont on ne découvrira la portée que sept siècles plus tard dénote chez ces croyants dits « égarés » une singulière clairvoyance, terme qu'il faut prendre dans toutes ses acceptions si l'on veut bien admettre que les bogomiles étaient détenteurs d'une doctrine ésotérique transmise depuis les temps antiques.

 

A suivre...

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