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Mes Univers
17 avril 2022

Au secours :

X1

Je me demande pourquoi j'écris cet appel au secours. Après-tout, qu'est-ce que les gens en ont à faire de personnes comme moi et à ma compagne ?
Elle, atteinte de sclérose en plaques à un stade avancé au point qu'elle ne se déplace plus qu'à l'aide d'un déambulateur dans notre appartement ; qui-plus-est, qui avance très lentement, et dotée d'une démarche brinquebalante qui manque la faire chuter à chaque instant. C'est d'ailleurs ce qui advient de temps en temps, et qui provoque chez moi des crises de désespoir et d'angoisse parce que je tente de l'aider à se relever – je m'y efforce de toutes mes forces, usant de toute ma volonté et de toutes mes capacités ou moyens – sans y parvenir, souvent. Je me met une pression d'enfer en criant, en m'énervant, car je ne supporte pas de la voir à terre et moi impuissant à la remettre debout.
Alors, je m'épuise à chercher à l'agripper au mieux, à la soulever tandis qu'elle est bloquée et qu'elle est incapable de m'aider à l'aider. Je sue comme un bœuf ; l'ai l'impression que mon cœur va exploser, tellement je vais au-delà de ce que mon corps et mon esprit sont à-même d'endurer. Parfois, parce que je n'ai pas d'autre solution, je vais chercher l'aide d'un voisin – quand il y en a un qui est présent et qui m'ouvre sa porte, et qui se rend compte dans quel état de détresse je suis. Et celui-ci m'aide à l'asseoir afin qu'elle se repose – moi également ; même si tout le monde s'en fout à ce moment-là - ; elle récupère. Je m'active à remettre tout en ordre, à pallier à ses déficiences. Au bout d'une heure, elle a assez récupéré pour que je la relève, qu'elle aille au lit pour s'allonger et se détendre, dormir probablement…
 
Quotidiennement, c'est moi qui gère tout : l'administratif, les comptes, l'alimentaire, les vêtements, ses fuites urinaires ou fécales lorsque les symptômes de sa sclérose en plaques sont plus virulents qu'à l'accoutumée. C'est moi qui l'aide à se laver, à s'habiller, à se déshabiller, à manger, à s'installer au lit ou sur le divan pour regarder la télé. Je m'épuise à la tâche au point d'en avoir des nausées, des nœuds au ventre tellement cette pression qui est exercée sur moi est intense. Car, je veux m'y employer au mieux, le mieux possible en fonction de mes capacités et de mes possibilités. Mais qui en a quelque chose à faire ; vraiment ! N'est-ce-pas ?
 
Moi, je suis atteint du maladie orpheline appelée maladie de Sturge-Weber. Il s'agit d'un angiome facial interne et externe entraînant de graves crises de convulsions. La première et la plus grave de ces crises a eu lieu alors que j'avais l’age de six mois. En a résulté une hémiplégie du coté droit de mon corps, des années de rééducation motrice dans le récupérer le maximum de ce que j'en avais perdu. Aujourd'hui, quand je suis fatigué, sous pression, stressé, angoissé, de nouvelles crises de convulsions, passagères mais violentes, se manifestent. De plus, les parents de ma compagne, à l'époque de la découverte qu'elle était atteinte de sclérose en plaques ont, contre sa volonté, voulu qu'elle soit mise sous tutelle. Ma compagne et moi nous sommes battus pour montrer que ce n'était pas nécessaire. Et le juge des tutelles a considéré qu'une simple curatelle, histoire de couper la poire en deux, serait à même de contenter les deux parties en présence. Curatelle renouvelée il y a cinq ans.
 
Les parents de ma compagne m'ont tenu pour responsable de sa maladie. Ils me voient comme celui qui leur a volé leur fille. La famille de ma compagne est un clan dominé par une matriarche et un patriarche qu'ils sont. Dominateurs, n'acceptant pas qu'on leur dise le contraire de ce qu'ils souhaitent entendre, prenant des décisions à l'emporte-pièce, je suis leur bête noire. Je leur dit tout haut ce que ma compagne ne me dit qu'à moi, parce qu'elle se sent redevenir une petite fille de cinq qui n'a pas le droit à la parole, y compris lorsque ça la concerne, devant eux. C'est moi qui me suis toujours pris tous les coups à sa place.
 
Je ne le lui reproche pas. C'est mon rôle, en tant que son compagnon, de la protéger et de faire au mieux pour qu'elle ai une existence la plus calme, la plus tranquille, la plus sereine, au vu de son état de santé déclinant. Je m'y suis employé depuis 2004 que nous sommes en couple ; je continuerai jusqu'à la fin de ma vie. Et ses parents ont beau s'imaginer que je ne suis pas assez bien pour elle, qu'ils ne seront que lorsqu'elle me quittera, ou tout un tas d'autres idioties du même genre, je ne faillirai pas.
 
Parallèlement pourtant, je suis usé, archi-usé. La pression mentale que je me mets pour tenir bon malgré toutes ces épreuves, embûches, difficultés quotidiennes engendre régulièrement d'autres symptômes qu'une éventuelle crise de convulsions passagère. Régulièrement, je suis victime de poussées de furonculose. Des furoncles apparaissent sur mon dos pour quelques jours. Alors, je les perce, je les nettoie. C'est très douloureux ; je me soigne. Mais ça ne s’arrête pas. Parfois, ce sont des poussées de gingivite. Pareil, je fais le nécessaire, mais elles s'obstinent à ressurgir. Et ça m'épuise d'autant plus psychologiquement et nerveusement.
 
Enfin, en plus de tout ce que je viens de décrire, pour ceux et celles qui me connaissent et connaissent plus ou moins mon parcours, ils savent que je suis écrivain. Quand j'en ai le temps, l'énergie mentale et morale pour ce faire, je passe des heures à écrire. Depuis un an, je rédige mes Mémoires – J'ai vécu tant d'événements qui méritent d'être mis en lumière ; j'ai vécu tant d'épisodes qui méritent d'être soulignés. Car je gage que rares sont ceux et celles qui auraient réussi à les surmonter sans en devenir fou, sans baisser les bras ou sombrer dans l'alcool ou la drogue par exemple. Déjà près de cent pages de texte allant de ma toute petite enfance à ma préadolescence. Je réécris également au propre, de manière plus claire et réactualisée mes « Brèves Philosophiques ». Ce sont mes pensées, mes réflexions vis-à-vis de notre passé, de notre présent, et de notre devenir en tant que civilisation et espèce intelligente. Plus de 600 pages dont j'ai à peine entamé la réécriture. De temps en temps, sur les réseaux sociaux, je publie un traité historique par ici, un point de vue sur l'actualité la plus chaude du moment par là, une observation sur ma vie personnelle liée à mon moral ou à ma tristesse par là encore. Bref, pas un jour sans que je n'écrive une ligne.
 
Mais qui ça intéresse ? Tout le monde s'en fout. Non pas que ce que j'ai à dire soit inintéressant, soit superficiel, soit accompagné de raisonnements approfondis. Non pas que mes textes soient bourrés de fautes de grammaire ou d’orthographe, de répétitions… Non, je suis assez talentueux, d'après les observateurs ; il est vrai que j'écris depuis que j'ai l'age de seize ans, mais que je n'ai encore rien publié de sérieux auprès d'un éditeur digne de ce nom. Or, la reconnaissance de ses pairs, la renommée, la gloire, l'argent, les contacts, etc. sont le nerfs de la guerre. Et moi qui ne court pas après tout ça à tout prix, moi qui ne marche pas sur les autres pour s'élever plus haut qu'eux, pour me mettre en avant, forcément !
Peut-être un jour, lorsque j'aurai terminé la rédaction de mes Mémoires – plus de 700 pages au final, certainement - ; peut-être lorsque j'en aurai terminé avec la refonte de mes « Brèves Philosophiques ». Qui sait ! Mais bon, je ne me berce pas d'illusions.
 
Il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. Et puis, le milieu de l'édition, comme nombre d'autres milieux, est un vrai champs de bataille. Ce sera à celui ou à celle qui saura le mieux se vendre, qui sera la plus photogénique ou le plus télégénique, qui sera jeune, beau, et star des réseaux sociaux ! Il ne faut pas être naïf. Quand on voit combien se targuent de leur silhouette, de leur sex-appeal, des likes et des commentaires dithyrambiques concernant leur physionomie, avant qu'ils n'aient publiés la moindre ligne, le moindre extrait de leur travail ! Je ne fais pas le poids, avec mon physique ingrat, avec ma fragilité émotionnelle, avec les épreuves qui ont été les miennes tout le long de mon existence et dont le poids se fait ressentir de plus en plus lourdement sur mes épaules au fur et à mesure des années.
Mais tout le monde s'en fout. « Chacun sa merde », comme le rappelle un dicton populaire. Et pourtant, que j'envie ceux et celles qui parviennent à fédérer au travers de la cause qu'ils défendent ; y compris lorsque celle-ci est éminemment personnelle ; qu'il n'y a pas d'enjeu politique, identitaire, idéologique, ou autre derrière. Juste parce que c'est l'appel au secours d'un être humain qui n'en peut plus. Un simple être humain que la vie a démoli, qui ne parvient plus à avancer, à se sortir la tête de l'eau. Au contraire, pour lequel tout est mis en œuvre pour la lui enfoncer sous les flots plus profondément encore.
 
Oui, que j'envie ces personnes qui savent atteindre le cœur des gens, qui savent les toucher et les émouvoir. Que j'envie ceux dont les difficultés et les épreuves rassemblent et suscitent un élan de solidarité, une chaîne de l'espoir qui leur redonne le goût de vivre.
 
Ma compagne et moi n'avons plus que ma Maman, qui habite à 300 km de chez nous, sur qui nous pouvons nous reposer. Même pas ma sœur et sa famille. Elle a ses propres problèmes ; elle ne se sent pas concernée par tout ce que je vis. Comment l'en vouloir d'ailleurs, elle qui est « normale », sans handicap ou maladie, pour laquelle tout ce qui compte c'est son club hippique ; sa vocation, la grande passion de son existence à laquelle elle voue toutes ses forces, tout son temps…
 
Est-ce que nous pouvons compter sur l'appui ou l'aide des parents de ma compagne ? Non. Ils habitent près de chez nous. Mais nous avons coupé les ponts avec eux parce que ni ma compagne ni moi n'avons plus confiance en eux après tout le mal qu'ils nous ont fait. Il suffirait qu'on se tourne vers eux pour qu'ils en profitent pour s'efforcer de reprendre le contrôle de l'existence de ma compagne ; et de la mienne par la même occasion. Ils n'ont aucun scrupule. Leur seul but est de récupérer leur fille comme si elle était redevenue cette fillette de cinq ans, bien sage et bien obéissante, pour laquelle ils décident tout, pour laquelle ils gèrent sans lui demander son opinion ou son consentement. Ce qui a failli détruire notre couple plusieurs fois lors de la première décennie de notre relation.
 
Est-ce que nous pouvons compter sur des amis, sur des voisins ?
Non. Vu l'état de santé de ma compagne – elle ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant à l'extérieur de notre domicile - seule une auxiliaire de vie qui s'emploie à la promener une heure par semaine, étant incapable de le faire à cause de mon hémiplégie, nous rend visite. Il y a aussi son kinési et notre aide-ménagère deux fois par semaine. Sinon, nous ne sortons jamais de chez nous ; et personne ne se soucie de notre bien-être, si tout va bien. A part les cris que nos voisins m'entendent parfois émettre parce que je suis en train de tenter vainement de relever ma compagne, ils ne s'imaginent pas l'enfer que nous vivons. Le seul qui est au courant, c'est celui du dessus, celui que je supplie de m'aider en dernier ressort dans ce cas là.
 
D'amis, nous n'en n'avons pas. Comment s'en faire, alors que nous ne pouvons sortir, que nous n'avons pas de moyen de locomotion, que nous vivons dans une ville de petite taille où, pour se divertir, les gens vont à Cherbourg, la grande agglomération la plus proche. Et puis, ces gens, qu'en ont-ils à faire, de personnes handicapées, isolées, qu'ils considèrent plus comme un boulet qu'autre chose. Des gens qui font courir des rumeurs, qui baissent la tète ou nous évitent parce que notre souffrance est une salissure vis-à-vis de la norme dont ils sont les titulaires. Une norme qui nous relègue, ma compagne et moi, à l'état d'humains de seconde zone, de sous-humains infréquentables.
 
Et pourtant, que l'aide d'hommes et de femmes non dénués d'humanité, de compassion, de solidarité, d'empathie… serait la bienvenue. Moi qui ait été moqué, rejeté, trahi, humilié, rabaissé, abandonné de nombreuses façons jusqu'à aujourd'hui, je le hurle à la face de la Terre entière. Moi qui me suis battu toute ma vie pour essayer de me faire accepter, apprécier, aimer. Moi qui ai souvent désiré aller vers les autres, mais qui ne me sentais pas à ma place, je me suis réfugié dans le seul univers qui était à ma portée ; le seul où ma culture, où mon don pour l'écrit, où ma raison, pouvaient se dévoiler. Cet univers, c'est celui des livres.
 
De la Bibliothèque Nationale aux Universités Paris XIII et Paris VIII, j'ai depuis mon enfance engrangé une multitude de connaissances dans nombre de domaines du savoir humain. J'ai toujours lu. Jusqu'à trois livres simultanément à l'époque où je travaillais à la Bibliothèque Nationale. Je suis féru d'Histoire, de Philosophie, d'Astronomie, de Littérature, de Cinéma…, que sais-je encore ! Je nourris mon âme constamment de sources de savoir diverses et variées. Par des documentaires, sur Internet parfois, par mes lectures. Que puis-je faire d'autre, je ne sors jamais. Je dois constamment être là pour surveiller l'état de santé de ma compagne, pour pallier à ses besoins et nécessités.
 
Et puis, de toute manière, les gens ne désirent pas ma compagnie : trop intellectuel, trop cultivé, pas adapté au monde teinté de superficialité et d'éphémérité qui est le notre ; un monde où seule l'apparence, la notoriété, l'assurance, l'argent... ont droit de cité. Trop handicapé, aussi, avec un corps malhabile, dans un monde où le culte du corps à travers le sport, est valorisé à l’extrême. Ces gens se foutent de savoir à quoi correspondent toutes ces blessures et ses cicatrices physiques ou psychiques correspondent. Ce qui les intéresse, par contre, c'est de me calomnier, c'est de répandre des rumeurs infondées, c'est de juger et de condamner.
 
Savent-ils que moi et ma compagne n'avons personne vers qui nous tourner alors que nous avons rendez-vous le 3 mai au tribunal de Cherbourg parce qu'elle doit y rencontrer le juge des Tutelles dans le cadre du renouvellement de sa curatelle, ou non ? Comment allons nous y aller, alors que nous n'avons pas de moyen de locomotion ? Personne n'en n'a rien à foutre. Nous allons bientôt déménager dans la Sarthe pour nous rapprocher de ma Maman. Tout un tas de démarches auprès de l'Administration, auprès des divers services concernés par notre situation – MDPH, CAF, ASSEDIC, Notaire, etc. J'en ai des nœuds d'angoisse au ventre ; j'en dors mal la nuit. Nos dossiers de renouvellement d'AAH sont en cours d'étude afin de renouveler ces dernières, ainsi que toutes les aides qui leur sont attenantes. Il se peut que nous retrouvions sans ressources quelques temps, du fait des lenteurs administratives lors de la transmission de nos dossiers d'un département à l'autre. Mais qui s'en soucie ? Et l'état des lieux de notre logement. Et emballer nos possessions pour que le jour de notre déménagent, tout soit prêt en temps et en heure ?
 
Non, nous sommes tous seuls. A part ma Maman, qui va faire ce qu'elle peut dans la mesure de ses moyens, qui va nous aider ? Alors que je suis déjà à bout de force. Alors que je suis dans un état de nervosité impressionnant. Alors que la pression s'intensifie au fur et à mesure des jours qui passent. Mais qui s'en soucie ?
 
Qu'allons nous devenir ? Je ne sais pas. Mais je suis terrorisé, ma compagne aussi. Et je suis perdu, parce que je suis conscient que mon appel à l'aide risque vite d'être noyé dans la masse. Ah, comme j'aimerai avoir la capacité de susciter un élan de solidarité comme il en arrive parfois lorsqu'il s'agit d'autres personnes...
Dominique Capo
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