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Mes Univers
17 juillet 2022

Ma part d'Humanité, tout simplement :

X1

A l'origine, j'avais prévu de publier la suite de mon traité sur les Cathares dont j'avais débuté le partage ici dimanche dernier. Hélas, au vu des événements de ces derniers jours, j'ai dû changer de programme. J'en reprendrai donc la publication prochainement.

En effet Vanessa, ma compagne, est malheureuse. Très malheureuse. Il est exceptionnel qu'elle ne pleure pas quatre à cinq fois par jour du fait du parcours du combattant qu'est son quotidien. Un jour sans difficulté, elle pleure à une ou deux reprises seulement. Et quand elle doit se rendre aux toilettes parce que c'est compliqué et fatiguant pour elle d'en effectuer le trajet. Parce que, quand elle est assise sur les wc, qu'elle doit changer de protection, elle n'a pas toujours la force d'y arriver. Alors, elle se met à sangloter, elle m'appelle au secours. Elle me dit "ne m'en veux pas". Je lui répond : "ce n'est pas à toi que j'en veux. Comme moi, davantage que moi même, tu es une victime de cet environnement qui n'est pas adapté à nos handicaps et aux maladies dont nous sommes les porteurs."

Aussi, malgré mon hémiplégie du coté droit qui me rend malhabile, qui s'avère être un problème supplémentaire dans ce genre de circonstances, je fais de mon mieux. A chaque fois, je souffre émotionnellement, je suis stressé, je suis épuisé. Mais je n'hésite jamais à aller au-delà de mes limites physiques ou mentales pour l'aider. Même si j'ai peur, même si je peine tellement que mes mots sont incapables d'évaluer à quel point j'en bave, je ne baisse pas les bras.

Je préfère alors m'user la santé, me détruire nerveusement, plutôt que d'abandonner Vanessa en état de détresse et d'adversité. Je hurle, je crie, je tempête, pour pousser mes forces aux confins de mes possibilités. Régulièrement, c'est sans effet. Mais tant pis, je me dois d'essayer. Outre Vanessa, personne ne le vois, personne ne s'en rend compte, personne ne s'en soucie, personne ne répond à mes appels au secours ; si ce n'est pour me reprocher les hurlements que je profère ou la gène que je peux susciter pour le voisinage.

Car, voyez-vous, la réputation, la considération, l'image, ont plus d'importance que la détresse à laquelle Vanessa et moi sommes sujets. Alors, nous en souffrons davantage encore parce que les gens que nous aimons, les gens sur lesquels nous espérerions compter, les gens que nous désirerions bienveillants, prévenants, attentifs à notre douleur et à notre désespoir, se détournent de nous et nous laissent seuls et affligés.

Souvent, dans ces instants si particuliers, en pleurs, Vanessa me répète en boucle : "Nous ne sommes pas aidés. A part les filles de O2 (les aides à la personne qui viennent une fois par jour, et désormais le samedi et le dimanche, pour la laver, pour changer la protection qu'elle porte depuis la veille, et pour l'habiller), personne ne nous aide. Je n'en peux plus. Je suis fatiguée. Je suis malheureuse.".

Je tente de la consoler au mieux de mes capacités et de mes possibilités. Je la prends dans mes bras. Je la serre contre mon cœur. Je lui répète : "Jamais je ne t'abandonnerai ; quitte à dépérir physiquement et émotionnellement, je serai toujours là pour toi ; quoiqu'il advienne. J'y consacrerai tout ce que j'ai en moi, quitte à ce que j'en paye le prix fort. Mais, jamais je ne me détournerai de toi."

Lundi dernier, j'étais devant mon ordinateur à discuter avec quelqu'un en mp sur Facebook. Il était environ 15h, et Vanessa se reposait, allongée sur le lit, le climatiseur à fond. Je ne faisais pas de bruit ; tout était silencieux dans la maison. Et tout à coup, voilà que j'entends Vanessa gémir en larmes : "Dominique, où es tu. Ne m'abandonne pas. Je me précipite aussitôt à son chevet pour la rassurer. Je m'assied à coté d'elle. Je la câline, je lui dis des mots tendres, je suis doux. Et je finis par m'allonger auprès d'elle en prenant sa main dans la mienne. Nous restons tout le reste de l'après-midi et le début de soirée ainsi, sans bouger. Juste l'un à coté de l'autre parce qu'elle a besoin de ma présence, de mes mots affectueux et attentionnés, à prendre le temps d'être là pour elle.

J'ai beaucoup de défauts. Vous trouverez bien des gens, de mon entourage ou non, pour vous en faire la liste, qui se plairont à vous décrire ce que j'accomplis de mal. Vous trouverez nombre de gens qui vous parleront de mes colères, de mes paroles véhémentes susceptibles de choquer ou de blesser. Vous trouverez tant de gens qui s'exclameront que je les emmerde avec mes problèmes, avec mes lamentations, à répéter sans cesse que je souffre et que je n'en peux plus, que je suis impatient et jamais content...

Peut-être, et je ne conteste pas ces défauts. Je suis un être humain. Et comme tout être humain, je ne suis pas parfait. De toute façon, la perfection n'est pas de ce monde. Et si j'ai des défauts, ces personnes également. Or, contrairement à elles, je ne m'en cache, je n'en n'ai pas honte. Je les dévoile autant que je suis apte à dévoiler ou à mettre en avant mes qualités. Je ne privilégie pas les unes au profit des autres et vice-versa. Quand ça ca mal, ça se voit. Quand ça va bien, ce qui est malheureusement plus rare, je le montre aussi.

En fonction des personnes et de leur attitude envers moi, de leur tolérance envers les totalité des diverses facettes de ma personnalité ou des émotions dont je suis la proie à un instant T, en fonction de telle situation, etc., ma façon de me comporter vis-à-vis d'elles est totalement différente. Avec quelqu'un de naturellement bienveillant, à l'écoute même si c'est la millième fois que je lui répète ce que je ressens, je me comporterai de telle manière. Avec quelqu'un de distant, d'impassible, d'indifférent, de fuyant, je me comporterai d'une autre manière. Et tout ça, parce que mon hyper-sensibilité aura été prise en compte ou non, tout simplement.

Tout ça pour dire que je suis une personne fiable. De franche, de sincère, d’honnête. Je dis et je fais les choses telles que je les pense ou telles que je les ressens. Que ce soit avec Vanessa ou avec quiconque qui a une place privilégiée dans mon cœur. Je n'ai aucune hésitation.

Ainsi, en 2007, lorsque mon grand-père maternel est décédé, je n'ai pas hésité à passer un mois avec ma grand-mère qui était en état de détresse profond. Ca faisait plus de 50 ans qu'elle était mariée à mon grand-père ; et, avec Vanessa, j'ai été là pour elle, uniquement pour elle. Sans me préoccuper des difficultés, des épreuves, des obstacles. Sans me préoccuper de mes propres obligations ou priorités. En 1998, lorsque mon petit frère Aymeric est mort dans un accident de voiture à l'age de 18 ans, mon père et ma mère ont réagi différemment.

Mon père s'est replié sur lui-mème, il ne voulait plus que l'on prononce le nom d'Aymeric en sa présence. Il l'a immédiatement effacé de sa vie. Une façon de se protéger certainement, j'en suis convaincu. Ma mère, elle, s'est effondrée. Pendant un mois, elle n'a pas souhaité qu'on touche à la chambre d'Aymeric. Mon père invisible, ma soeur devant faire face à sa propre détresse, j'ai été en permanence à ses cotés pour la soutenir, pour lui procurer douceur et tendresse, affection et attention. Pareillement en 2004, lorsqu'on a découvert l'homosexualité refoulée depuis son adolescence de mon père. Le couple que mon père et ma mère composait a explosé ; les ravages ont été monstrueux. La douleur de ma mère a été insupportable.

Et même si des ami(e)s à elle, à nous, ont été souvent présent dans ces deux cas deux figure, ils n'ont pas été présents 24h/24h, 7j/7j. Ils ont fait ce qu'ils ont pu, ils l'ont aidé et soutenu au mieux de leurs capacités et de leurs possibilités. Mais, quand ils n'étaient pas là, principalement, c'est moi qui ai préservé, protégé, accompagné, porté, ma mère.

Ne vous illusionnez pas, je n'en tire aucune gloire, aucune fierté. Ce sont des choses dont je ne parle qu'exceptionnellement. Quand Aymeric est mort, je n'ai jamais autant pleuré de ma vie. J'aurai aimé le veiller toute la nuit alors qu'il était dans la chambre mortuaire où chacun pouvait venir lui dire au revoir une dernière fois. Je n'en n'ai malheureusement pas eu le droit.

Avec Aymeric, j'avais une relation privilégiée, presque fusionnelle. Il aimait le sport, pas moi ; il était beau et fort, il plaisait aux filles ; moi, avec mon handicap et ma tache de naissance, je me sentais laid, j'étais maigre (à l'époque) comme un fil de fer, et j'ai beaucoup souffert de ne pas être capable de me faire aimer par une femme. Aymeric savait à quel point j'étais un être tourmenté, écorché vif, blessé, humilié. Mais, jamais il ne m'a laissé de coté. Il m'a toujours défendu, y compris contre les miens. Il était fier que j'écrive, à un moment ou mon entourage voyait ma vocation comme un passe-temps inutile et sans avenir. Il était fier, et il ne s'en cachait pas, que j'imagine des scénarios de jeux de rôles. Il m'admirait pour cela.

Alors, quand il est mort, une portion de mon cœur et de mon âme est morte avec lui. Jamais par la suite je n'ai cru que je pourrais retrouver une telle complicité, un tel bonheur de se trouver aux cotés d'une personne qui m'accepterai tel que je suis, avec mes qualités et mes défauts, avec mes forces et mes faiblesses, avec mes blessures et mes terreurs, avec les réminiscences de cette violence physique ou psychologique qui se réveillent à chaque fois que je me sens trahi ou abandonné.

Puis, Vanessa est entré dans ma vie. Avec son lot de souffrances et de peurs à elle. Avec ses désespoirs et ses tristesses. Avec son état de santé de plus en plus défaillant au fur et à mesure que sa sclérose en plaques gagne du terrain. Avec, chaque fois qu'elle est confrontée à un épisode de chaleur au-dessus de la moyenne, les symptomes de sa maladie exacerbés. Alors, je déploie toutes mes forces, toute ma volonté, toute ma détermination, tout mon courage, pour être présent. Même si je n'en puis plus, même si je suis seul, même si les gens que j'aime se détournent de nous pour des tas de raisons diverses et variées qui n'appartiennent qu'à eux (qui sont justifiées et justifiables, respectables et honorables), je ne baisse pas les bras.

Ces gens diront que c'est mon rôle, que c'est moi qui ai choisi ma compagne, que je dois donc en assumer les conséquences. Ces gens vous diront qu'il aurait été plus simple pour moi de la quitter ou de la mettre dans une institution spécialisée. Quelle monstruosité, quelle ignominie ! Combien s'y emploient sans regret ni remord, les y condamnant à une mort lente et insidieuse, à de la maltraitance et au désespoir. Et que dire de nos ainés, que certain(e)s n'hesitent pas à négliger, dont ils se désolidarisent ! Honte à eux. Ces gens vont expliqueront que ce n'est pas leur vie, qu'ils ont leurs propres problèmes, leurs propres préoccupations, etc. Ce qui est vrai également ; ils ont tout-à-fait raison. Qui pourrait, qui oserait les contredire ?

Cependant, désolé, si je l'entends, si je le comprends, si je le conçois, je ne suis pas d'accord avec cette vision des choses. Comme je l'ai écris plus haut, jamais je n'abandonnerai ou ne me détournerai de l'un des miens dans la détresse ou l'affliction. Je l'ai fais par le passé, je recommencerai vis-à-vis de n'importe lequel d'entre eux si cela s'avérait nécessaire.

Je me fous de savoir le qu'en dira-t-on, la réputation. Je me fous du déni, de savoir qu'il y en a qui ne désirent pas voir la réalité en face parce que ça leur fais trop mal ou qu'ils n'arrivent pas à l'assumer. Je me fous des larmes et des cris, et du regard bon ou mais porté sur moi pour cette raison. Que ce soit dans la réalité de mon entourage physique ou au sein de la réalité virtuelle, et de Facebook notamment. J'ai la conscience tranquille. Je n'ai rien à me reprocher.

Les fautes ou les erreurs que j'ai commises ou que je commets, les blessures que je fais ou que j'ai faites aux gens que j'aime, j'en endosse volontiers la responsabilité. Je m'en veux de les avoir commises. Je culpabilise, et énormément. Ça me ronge, même. Ca me détruit intérieurement. Hélas, je ne peux pas revenir en arrière pour faire autrement. Et puis, ça me sert d'expérience. J'apprends. De plus, les réaction de chacun(e) est différente face à une même situation, face à un même comportement, face à aux mêmes épreuves et difficultés. Je n'ai pas la science infuse. Je ne suis pas devin pour anticiper comment telle ou telle personne va réagir à la façon dont je réagis moi-même à ce à quoi je suis confronté. Y compris si je la connais ou la fréquente depuis longtemps ou parce qu'elle appartient à mon entourage.

C'est facile de donner des leçons, de regarder celui ou celle qui souffre comme si on détenait les réponses adéquates. C'est facile de vous prendre de haut comme si on détenait toute la vérité, comme si tout était simple.

Pour répondre à quelqu'un que je connais depuis longtemps : on ne choisit pas forcément sa vie. On peut tenter d'influer dessus d'une manière ou d'une autre. Mais comme on nait différent, quand on est malade ou vulnérable, on ne possède pas les même cartes que ceux ou celles qui n'en sont pas victimes. La grande majorité des gens, face à des personnes nées différentes, exigent toujours plus d'elles ; elles sont sans état d'âme. Ces gens n'hésitent pas à les malmener, à les bousculer, à les laisser seules face à leurs problèmes ou difficultés, ou à les traumatiser, pour "leur bien", évidemment. Ces gens se montrent froids, cruels, dénués d'humanité, parce que le monde et la société est "comme ça".

Moi, j'affirme que le monde, la société, les relations humaines que nous construisons, sont à notre image. Chacun(e) apporte sa pierre, aussi minuscule soit-elle, si insignifiante (à leurs yeux en tout cas), à l'ensemble de l'édifice. Vu de loin, cette pierre ne semble pas prêter à conséquences. Mais si on l'en ôte, c'est l'ensemble de l'édifice qui est impacté, qui est détérioré. Par contre, il y a des pierres plus fragiles, plus chancelantes, plus fluettes, que celles qui l'entourent doivent soutenir pour que le pan de mur à laquelle elles appartiennent ne s'écroule pas. Pour que ces pierres plus fragiles résistent aux tempêtes et aux bourrasques. Les autres pierres, plus solides, plus stables, plus assurées, se doivent d'être solidaires parce que les plus faibles sont dépendantes d'elles. Elles sont tributaires de leur intervention, de leur assistance, de leur assistance.

Sinon, c'est que le mot "humanité" est dépourvu de signification pour ces gens plus solides, plus assurés, moins fragiles, moins malades ou moins handicapés que les autres. C'est que nous sommes revenus en des temps barbares, bien avant que la civilisation ne différencie l'espèce humaine des espèces animales. Nous sommes revenus à l'époque du "chacun pour soi" où la "loi du plus fort" prévalait, et où la différence était considérée comme une tare et non comme une richesse. Or, si c'est ça, notre civilisation, notre société, les structures et les valeurs que nous portons en nous, vont irrémédiablement s'éteindre à très brève échéance.

Je ne le souhaite pas. Je me battrais continuellement et de toutes mes forces contre cette fatalité quasi-inéluctable. L'humanité a trop de valeur à mes yeux pour que je reste sans réagir à cette indifférence. Toutes les explications ou toutes les justifications du monde n'ont aucun poids face à tout ce que je viens d'édicter.

Oh, oui, je suis quelqu'un d'exigeant, de très exigeant !!! Bien plus que vous ne pouvez vous l'imaginer. Et les exemples que je vous ai donné concernant Aymeric ou autre n'en sont qu'un pâle reflet. Je suis exigeant en tout, pour tout, et avec quiconque ; mais surtout et avant tout vis-à-vis de moi-même. Je ne renonce pas. Je cherche toujours ce qu'il y a de mieux. Je veux m'élever. Mon handicap, ma maladie, qui sont vus comme des faiblesses, je les ai transformé en arme. Car, si je peux me valoriser grace à mon corps, j'aiguise, j'affute, mon esprit. Je veux découvrir tout ce que j'ai à découvrir et que mon esprit est susceptible d'engranger.

Si quelqu'un que j'aime est dans la difficulté, j'userai de toutes mes ressources, de toute ma raison, de toute mon intelligence, de toute mon humanité, pour être là quoiqu'il advienne ; et même si c'est à mes dépends ou si cela doit se retourner contre moi. Je m'en moque, ce qui compte, c'est étincelle d'humanité dont je suis pourvu et à laquelle je ne renoncerai jamais. Voila pourquoi Vanessa, je ne l'abandonnerai jamais. Voila pourquoi je me détournerai jamais des miens même si ceux-ci me délaissent ; même si ceux-ci me jugent et me condamnent parce que je ne suis pas les "normes" auxquelles ils voudraient que je me soumette. Voila pourquoi j'écris, je lis, j'accumule culte, savoirs, connaissances. Parce que c'est ma part d'humanité qui l'exige, tout naturellement...

Dominique Capo

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