Il y a des beautés... :

Il y a des beautés en ce monde qui n'existent que parce que votre esprit en est le dépositaire. Il y a des beautés que seuls votre âme et votre cœur sont capables de forger ou d'enrichir. Il y a des beautés qu'aucun paradis artificiel ne pourra jamais atteindre, ou même frôler, puisque seule notre humanité est apte à les admirer.

Moi qui ai parcouru le monde en tous sens, des magnifiques cités aux toits d'or et d'argent d'Yrem aux Piliers de la Création, moi qui ai affronté les dieux et les démons d'antan alors que les plaines du Levant n'avaient encore jamais été foulées par un humain, moi qui ai vu la magie de Kith-Kanan renverser des nations et des empires par la seule force de son imagination, je sais que ces beautés sont là, quelque part en nous et nous irradient démesurément.

Moi qui n'ai ni passé ni avenir, moi qui n'a d'être humain que le nom, chacun de mes pas me pousse à contempler ces beautés là où personne ne les voit. Moi qui erre depuis toujours aux frontières de la Réalité et de la démence, leur humble serviteur que je suis les admire plus que je be le devrais. Moi qui ai aussi depuis longtemps laissé derrière moi ces chemins de souffrance et de désespoir qui m'ont accompagné tout le long de mon existence du fait de ma différence, je suis conscient que je suis enchainé à elles pour le reste de l’Éternité.

Et pourtant, que j'aimerai les partager avec mes semblables. Que j'aimerai qu'ils sachent que ces beautés sont des territoires vierges où la peur et la souffrance, où la violence et l'ignorance, où la haine et l'indifférence ne se rencontrent pas. Songez aux monts Kÿ ou à l'ile-Dieu ; songez aux déserts d'où on ne revient jamais. Non pas parce qu'on y périt où que notre santé mentale y est dépecée, mais parce que ce qu'on y découvre est si magnifique et si extraordinaire qu'on ne veut plus les quitter. Moi qui les ai souvent visité, je peux en témoigner.

Ceci dit, ne vous y trompez pas : les dangers que ces beautés recèlent également sont innombrables. Combien de Marcheurs et de Sendarÿns se sont laissé - volontairement ou pas - abusé par elles. Les créatures fuligineuses qui les hantent ne sont pas toutes amicales, loin de là. Les fantômes des Déités qui couvraient jadis le monde de leur lustre n'ont pas tous disparu, loin de là. Ils n'attendent qu'une faute inattention de la part des imprudents qui les ont oublié pour les dévorer. Et que dire des génies ou des sylphides, serviteurs d'Al-Mathem, qui s'emparent des corps et des âmes de ceux qu'ils croisent pour s'en nourrir. J'ai plusieurs fois été obligé de les combattre. Et il s'en est chaque fois fallu de peu pour que je succombe à leurs assauts récurrents.

Alors, oui, il y a ici-bas des beautés qui dépassent notre imagination. Il y a des mythes et des légendes que nombre d'entre vous négligent, qui y sont indifférents. Il y a des lieux dont vous n'avez jamais foulé le sol, et que vous n'arpenterez certainement jamais. Il y a des cités, des plaines, des peuples, des savoirs, des rêves, que sais-je encore, que vous êtes incapables de concevoir. Car il faut aimer leur ouvrir votre esprit au maximum pour les appréhender. Car il faut chercher à les enrichir et à les développer pour que notre âme et notre cœur les cultivent. Et moi qui n'ai ni passé ni avenir, je vous le dis en vérité pour en être passé par là : ce n'est pas donné à tout le monde de libérer de sa médiocrité afin qu'elles nous affranchissent de notre mortalité...

Dominique Capo