Souvenirs d'hier et d'ailleurs :

Il y a un moment de la journée que j'apprécie tout particulièrement. C'est au crépuscule, lorsque le ciel se pare de teintes orangées, rosâtres ou vermeilles. C'est lorsque des amas de nuages évanescents se colorent et irradient tandis que les premières étoilent apparaissent dans le ciel, tandis que lune commence à resplendir, tandis que la nuit est sur le point de remplacer les dernières lueurs du jour.

Je lève alors les yeux vers le firmament et mon imagination se déploie démesurément. Je souris en songeant à tous ces mondes enchantés que mon esprit garde en mémoire. Je vois ces plaines arides que j'ai jadis parcouru lorsque je me nommais Ascéplion. Je vois cette fortification en direction de laquelle je progresse depuis si longtemps que je ne ma rappelle plus quand mon voyage vers elle a débuté. Je vois ces stèles couvertes de ronces et d'herbes folles qui la précèdent, et qui sont comme un sinistre avertissement pour les imprudents qui s'y risqueraient. Je vois également les noirs corbeaux qui croassent, volent bas, se posent parfois à son sommet pour contempler l'horizon avant de reprendre leur essor au-delà des nuées.

Je pense à ces cités aux toits d'or et d'argent dont j'ai autrefois arpenté les rues et les ruelles sidérantes. Je pense à ses palais aux murailles titanesques, dont les piliers sculptés des visages de prètres-rois qui y ont régné il y a des milliers d'années, se discernent aux frontières de l'horizon. Je pense à ses habitants invisibles, à leurs rires de déments, à leurs paroles chantantes, à leurs discours sans queue ni tète, qui ont failli me rendre fou lorsque je les ai côtoyés. Je pense à ces géants qui ont percé leurs murailles lors de la Bataille des Larmes Sanglantes. C'était juste après l'effondrement de l'Ancien Empire, et juste avant que les Royaumes du Levant ne paraissent ; avant d'être, à leur tour, broyés par leurs descendants.

Et je pleure en songeant à ce qui reste de ces cités aux toits d'or et d'argent maintenant... Et je pleure parce que seule mon imagination et ma mémoire scarifiée sont capables de les ressusciter rien qu'un instant ; avant que leurs images et leur souvenir ne s'efface de mon esprit éphémèrement. Et je pleure en songeant que demain peut-être, lorsque le crépuscule dévorera peu à peu le ciel, ce seront d'autres endroits et d'autres temps qui s'imposeront à moi. Les silhouettes de ces titans statufiés pour l'éternité lorsque les dieux les ont châtiés pour avoir osé les défier en anéantissant leur Création, probablement.

Les orages de feu qui se sont déversés du ciel, et qui ont anéantis les nations Elfiques lorsqu'elles ont voulu s'emparer des territoires Sindaryns. Ah, il est sûr que les sorciers Sindaryns ont bien œuvré à cette époque. Mais qui aurait cru que leur magie détruirait tout sur son passage : armées Elfiques, clans Sindaryns, alliés Ases et Fomores..., que sais-je encore...

Oui, j'apprécie tout particulièrement ce moment de la journée, entre chien et loup. C'est en ces instants comparables à nul autre que les mondes et les temps dont je suis le récipiendaire brulent mon âme de tous leurs feux ; ils font battre mon cœur plus fort que les transports d'un vent tempétueux. Oui, quand je suis à mon bureau en train d'écrire, et que je regarde le ciel vermeille accompagné de ses nuées ombragées, ou qu'un livre à la main, je sois assis sous ce chêne dont les racines s'enfoncent profondément sous terre, tout me revient instantanément ; mais dans le désordre assurément. Alors, c'est dans le désordre que je décris les images qui surgissent de mes pensées et de mes souvenirs. Et c'est dans le désordre que je les retranscris ici pour les mettre à disposition de la postérité...

Dominique Capo