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Mes Univers
8 juillet 2016

autobiographie, pages 269 à 271 / 312

ZPuis, au bout de quelques mois de cette façon de procéder, je lui ai demandé si cela lui plairait que je vienne lui rendre visite. Evidemment, elle en a été enchantée. J’ai donc commencé à m’organiser dans ce but. J’ai pris des billets d’avion. Nous nous étions mis d’accord pour que je reste auprès d’elle durant un mois. J’ai trouvé un hôtel dans la ville où elle habitait. Vu ses conditions de logement, il était hors de question que je vive chez elle pendant mon séjour. J’ai dépensé énormément d’argent afin d’organiser tous ces préparatifs. Environ 5000 euros peut-être, vraisemblablement davantage ; et ils sont venu peser sur le déficit qui se creusait, et dont je découvrirai l’ampleur plus tard. Finalement, début 2000, j’ai pris l’ensemble de mes congés en une seule fois afin de les consacrer à ce voyage. Et je suis allé la voir.

Je me souviendrais toujours du jour de mon départ. Enfin, de la nuit précédant celui-ci. Malgré le bruit qui résonnait, comme d’habitude, dans l’appartement, je m’étais promis de me coucher tôt et de dormir. Car mon avion partait à sept heures du matin. Et si je voulais préparer les derniers détails de mon départ, il me faudrait me lever à 3h du matin. Est-ce que j’ai pu me reposer ? Non. Bien entendu, mes voisins ont fait la fête jusque vers une heure du matin. J’ai essayé de taper aux murs, au plafond, j’ai essayé de faire plus de bruit qu’eux afin qu’ils se calment. Mais tout ceci n’a servi à rien. Et ce n’est que vers deux heures du matin environ – le temps que mon état d’énervement retombe – que j’ai pu enfin m’endormir. Enfin, m’endormir est un bien grand mot puisque mon réveil a sonné une heure plus tard.

J’étais abruti de fatigue. Je me suis tout de même levé. J’avais commandé un taxi au bas de chez moi pour cinq heures du matin, afin qu’il me conduise à l’aéroport Charles de Gaulle. Je me suis douché, habillé, préparé. J’ai vérifié une dernière fois que je n’avais rien oublié. Je suis quelqu’un de très méticuleux et je fais toujours en sorte que tout soit prêt en temps et en heure. Que ce soit lors de grandes occasions comme celle-là, ou lors de plus modestes rendez-vous. J’étais nauséeux, mais j’ai été prêt à l’heure dite. Vêtu en costume-cravate, comme j’aimais à m’habiller bien que cela n’ait pas été obligatoire, je suis sorti de l’immeuble dix minutes avant l’arrivée du taxi, et j’ai attendu.

Petite parenthèse que je n’ai pas évoquée jusqu’à présent : depuis mon entrée à la Bibliothèque Nationale, jusqu’à mon éviction de l’Education Nationale, j’ai toujours eu un gout prononcé pour le costume-cravate. Cela peut sembler étrange, mais malgré ma timidité maladive, mon gène constant, et mon sentiment d’infériorité quotidien, être pourvu de ce style de vêtement me donnait un peu plus d’assurance. Cela ne m’a jamais aidé dans mes rapports avec les jeunes femmes qui m’attiraient et que j’aurai souhaité approcher d’une façon ou d’une autre. Malgré cette armure, j’étais trop profondément meurtri pour qu’elle parvienne à me détacher de mon sentiment d’infériorité chronique à leur égard. Par contre, lorsque je me promenais, lorsque je travaillais, je me sentais plus sûr de moi. J’avais l’impression que, malgré mes cicatrices, malgré mon handicap, certains et certaines – au restaurant, au cinéma, dans la rue, etc. – ne me jugeaient pas. Au contraire, ils étaient davantage respectueux, attentifs lorsque j’avais besoin d’aide – m’ouvrir une porte quand je n’y arrivais pas, m’indiquer le chemin quand je m’étais perdu -, tout un petit tas de détails qui, à première vue, sont insignifiants, mais que l’on m’avait précédemment refusé. Et mon Dieu, même éphémères, même sans importance, qu’ils étaient agréable ; ils me donnaient du baume au cœur.

De fait, j’ai gardé cette habitude de me vêtir ainsi jusqu’à ce que cette page de ma vie ne se referme définitivement. Et que toute trace de cette période se perde dans les limbes de mes souvenirs les plus douloureux. Depuis, plus jamais je ne me suis rhabillé en costume-cravate. A quoi bon de toute manière, puisque désormais, je ne sors pratiquement plus de chez moi.

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