Intellectuel et fier de l'être, première partie :

Je suis écrivain, nouvelliste, poète. Je ne prétends pas être un littérateur de premier ordre. Je ne me prends pas pour Lovecraft – bien que celui-ci m'inspire parfois -, pour Victor Hugo ou pour Robin Hobb. Ce sont pourtant des auteurs qui exacerbent mon imagination. Et ils en accompagnent des dizaines d'autres, qu'ils soient contemporains à notre époque ou issus des siècles nous ayant précédé.

Pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, je suis un « dévoreur de livres », en plus d’être un écrivain. J'ai 45 ans, bientôt 46 ans. Et d'aussi loin que remonte ma mémoire, j'ai toujours tenu un livre entre les mains. Les premières images dont je me souviens me voient avec « les Trois Mousquetaires », dans l'appartement de Livry Gargan (93) alors que j'avais moins d'une dizaine d'années.

Que de chemin parcouru depuis ! Jamais, à ce moment-là de mon existence, je n'aurai songé que jongler avec les mots, les phrases, les paragraphes, etc, deviendrait le centre de ma vie. Que je leur dédierai l'essentiel de mon temps, de mon énergie, de ma passion, des mes espoirs et de mes rêves. J'ai travaillé plusieurs années à la Bibliothèque Nationale. C'est là que ma vocation s'est définitivement révélée à moi. C'est là qu'elle a éclaté au grand jour et qu'elle s'est épanouie. C'est là qu'elle m'a littéralement dévoré, englouti. Je l'ai déjà spécifié dans un texte personnel antérieur, mais lors de cette période, il m'est arrivé de me plonger dans trois à quatre livres au cours d'une même journée. Quel plaisir ! Quelle délectation ! Quelle divine félicité ! Être entouré de dizaines de livres abordant des sujets aussi divers que la Philosophie, l'Histoire, les Religions, la Dérive des Continents, l'Astronomie… Je ne sais pas si vous allez comprendre ? Pourtant, je vous affirme qu'à part faire l'amour à une femme, à cet instant précis où nos cris de désir et de plaisir s'épanouissent pleinement, il n'y a rien de plus beau, de plus extatique. Cette atmosphère feutrée, ces murmures, ce silence quasi-religieux, lorsque penché sur les ouvrages que j'étudiais et décortiquais. Ces savoirs pareils à nul autre qui comblaient quotidiennement ma soif, mon avidité à en apprendre davantage sur l'Humanité et les myriades de facettes dont elle est dotée. Ces informations que je recueillais sur les centaines de feuillets qui m'accompagnaient, et que je retranscrivais manuellement ; au point d'en avoir des crampes aux articulations de mes doigts au terme de chaque séance. Jamais je ne regretterais cette époque bénie au cours de laquelle j'ai acquis des Connaissances développées dans une multitude de domaines et de compétences divers et variés.

Vous savez, je suis un créatif avant tout. Dès ma plus tendre enfance, quelque chose que je ne pourrais définir m'a toujours poussé dans cette direction. Tout d'abord, par le dessin ; jusqu'aux alentours de mes 25 ans. En fait, c'est des études de dessin que j'espérais suivre lorsqu'il a fallu que je me détermine pour un parcours professionnel à la fin de ma troisième. Malheureusement, du fait de mon handicap, essentiellement, ma famille et mon conseiller d'orientation ont estimé que cette voie n'était pas adaptée à mon hémiplégie du coté droit de mon corps. J'en ai longtemps été affligé, blessé, désespéré. Contraint et forcé, j'ai suivi des études d'Administration Commerciale et Comptable désastreuses. Et ce n'est que lorsque je suis entré à la Bibliothèque Nationale et que j'ai exploité toutes les ressources livresques à ma disposition pour me créer mon propre parcours, que l'illumination s'est imposée à moi.

Depuis, celle-ci ne m'a plus jamais quittée. Je ne dis pas que la voie que j'ai empruntée a été simple, évidente, aisée ; loin de là. Au contraire, elle a été semée d'épreuves, de peurs, de solitudes, de désespoirs, de moqueries, de rejets. Dans ma famille, le fait que j'aie décidé de consacrer mon existence aux livres, au Savoirs, à l’Écriture, a, des décennies durant, été mal vu. Aujourd'hui encore, ce n'est pas totalement accepté. Alors que beaucoup d'entre vous m'admirent pour la qualité de mes textes, pour la ferveur que j'y mets, pour les sujets que j'aborde et que je décrypte, pour mes proches, il n'y a rien d'honorable dans mes travaux. Alors que certains d'entre vous m'expliquent qu'ils aimeraient avoir mon talent, mon courage et mon honnêteté de révéler des parties de ma vie ou de ma personnalité qui ne sont pas forcément des plus reluisantes, ma famille me harcèle parfois pour que je les dissimule ou que je les taise. Elle souhaiterait surtout, je crois, que je ne montre pas ma fragilité, mon extrême sensibilité, les faiblesses dont je suis pourvu. Parce que ces dernières rejaillissent immanquablement sur elle, et que, lorsque je j'aborde ces sujets, elle se sent attaquée dans son intimité, ou dans l'image qu'elle a d'elle même et qu'elle voudrait montrer aux autres.