Ineluctable ?

Ceci n'est pas de la science fiction, même si certains auteurs l'ont imaginé depuis des années ; voire des décennies. Ceci est la prochaine étape ce l'évolution de l'Humanité si nous n'y prenons pas garde. Et chaque jour, nous nous en rapprochons. Chaque jour, au travers de notre dépendance de plus en plus grande, de plus en plus servile et addict aux réseaux sociaux et à leurs dérivés, nous nous y exposons. Nous nous laissons domestiquer, subjuguer, surveiller, contraindre, administrer, par ce qu'ils nous imposent. Et comme des clones standardisés, uniformisés, rationalisés, "moutonnisés", nous nous laissons conduire comme si notre esprit n'était plus capable, de réfléchir, de raisonner par lui mème. Comme s'il lui était devenu impossible de s'affranchir du virtuel ; comme s'il lui était impossible de penser le monde réel par lui mème.

Il y a peu, Marc Zuckerberg l'a annoncé,, Facebook va changer de nom. Facebook va devenir "Metaverse". Une étape de plus sur la route qui est en train de faire de nous des appendices d'un univers virtuel qui nous enchainera à lui tout le long de notre existence. Un jour, grâce aux lunettes 3D que nous porterons pour nous y projeter, nous ne saurons plus faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Nous préférerons vivre en permanence dans un monde chimérique plutôt que d'avoir des expériences réelles et concrètes ; des conversations, des contacts, des emplois, des activités diverses et variées qui ne relèveront plus que du phantasme. La réalité s'évanouira pour laisser place à une vie sans matérialité.

Peu importe si nous serons handicapé ou pas, malade ou valide, gros ou mince, beau ou non, fort ou faible, riche ou pauvre, que sais-je encore. Notre seul souci physiologique sera d'alimenter notre corps afin que nous puissions à porter ces lunettes, bientôt des combinaisons entières, afin de nous promener toute notre vie au sein de ces multivers virtuels. Des multivers contrôlés par des ordinateurs beaucoup plus puissants que ceux qui sont disponibles actuellement. Des multivers générés par des multinationales spécialisées dans l'élaboration d'univers fantasmés qui nous proposerons de nous y abonner.

Notre seul souci sera de gagner un minimum de salaire - au sein de notre réalité ou au sein de celle structurée par ces nouveaux géants du Net - afin de s'y travestir en avatars correspondant à notre être idéalisé. Elfe, super-héros, humain, homme devant femme ou vice-versa, top-model, chef de gang, milliardaire, tout sera possible. Le tout sera de se construire une existence virtuelle à l'aide de la monnaie virtuelle que nous y aurons gagné.

Car, rien n'y sera gratuit, c'est évident. Comme dans le monde réel, il faudra y avoir un métier nous permettant d'avoir un salaire ; pour s'habiller, pour se déplacer, pour se distraire, pour y habiter... La seule différence sera que notre environnement et notre apparence pourra se modifier en fonction des lieux générés par l'ordinateur.

D'ailleurs, il est vraisemblable que nous ne souhaiterons pas quitter ceux-ci, puisque le monde réel ne sera plus "vivable". Avec le changement climatique, avec la pollution, avec la surpopulation, avec les maladies, avec la pauvreté, nous préférerons sans doute nous y réfugier. Pour oublier l'élévation des températures et du niveau de la mer, pour oublier la déforestation et la raréfaction des terres cultivables ou de l'eau potable, pour oublier les océans de déchets éparpillés partout, seule notre petite bulle individuelle nous importera. Soit chez soi - une pièce de quelques mètres carré nous suffira puisque tout ce qui nous sera nécessaire pour y demeurer aura été dématérialisé -, soit dans des espaces dédiés où des rangées de cases où nous nous serons enfermés pour ne plus en sortir, seront à notre disposition.

Installés dans des fauteuils d'où nous ne bougerons jamais, des nutriments synthétiques alimenterons notre organisme sans que nous ayons besoin de nous en préoccuper. A l'aide de cannèles qui diffuseront leurs liquides nourriciers directement à l'intérieur de notre corps, ce ne sera plus un problème. Quant à nos déjections, même système. Et si l'une de nos fonctions vitales est endommagée, si un organe est déficient, ce ne sera pas un problème non plus. Du moment que nous pourrons payer en usant de monnaie virtuelle ou réelle, nous pourrons nous les faire remplacer. Un foie qui est défaillant, il sera supplanté par un substitut artificiel. Voire, avec les progrès de la médecine et des imprimantes 3D, par le mème, mais synthétique.

Chaque partie de notre corps pourra ainsi être supplée à l'infini. Nous ne serons plus que des éléments de cet univers virtuel dont nous serons totalement et continuellement dépendants. Esclaves soumis volontairement à la machine, enchainés à ces avatars qui seront devenus plus importants que notre véritable physionomie, nous serons les membres d'une humanité parallèle ; de simples accessoires destinés à approvisionner, à féconder, et à développer cet univers sur lequel nous n'aurons plus aucune prise.

De la science-fiction ? Vraiment ? Nous qui sommes déja dépendants de nos smartphones, de nos tablettes tactiles, de nos ordinateurs, qui nous remplacent dans nombre d'actions de notre quotidien. Nous qui sommes accros au moindre like ou commentaire partagé à la suite de l'une de nos publications ? Nous, dont le premier geste le matin, dont le dernier le soir, est de jeté un coup d'oeil à notre écran pour voir si nous n'avons rien manqué "d'important". Nous qui nous fions davantage à ce qui est diffusé sur le Net, et de moins en moins à ce qui est à notre disposition dans le monde réel. Nous qui sommes abonnés à une multitude d'applications plus ou moins nécessaires à notre vie quotidienne, mais dont nous sommes incapables de nous détacher. Nous qui avons de moins en moins de conversations réelles, de contacts réels, y compris avec ceux ou celles qui habitent à l'autre bout de notre rue ou de notre ville.

Vraiment ? De la science fiction ? Alors que nous avons déja en pied dans cette réalité ; et que nous sommes de plus en plus avides, de plus en plus impatients, de nous y plonger complétement et continuellement.

Ce qui relève de la science fiction par contre, ce sont les gens qui n'y succombent pas - ou peu -, et préfèrent les rapports humains réels, les conversations en face à face. Ce sont les personnes qui désirent des échanges authentiques. Des gens qui usent de leur raison, de leur pensée, de leur actions, pour exister, pour chercher à partager ce qu'ils sont ou ce qu'ils portent en eux. Des gens qui lisent, qui apprennent par eux-mêmes, qui ne se fient pas aux rumeurs, aux fake-news, aux contre-vérités, que certains ont intéret à propager ; et que beaucoup veulent croire parce que c'est plus facile et plus simples pour expliquer les événements auxquels ils sont confrontés.

Voilà ce qui est de la science fiction désormais. Non plus ce que j'ai décrit plus haut, et qui ne sont que quelques exemples parmi d'autres ; malheureusement...

Dominique Capo