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Mes Univers
24 novembre 2022

Le refus de la différence, une autre forme de discrimination :

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Bonjour Catherine,
Vous savez, nul n'est parfait ici-bas. Celui ou celle qui le croit est, soit un idiot, soit un orgueilleux de première. Nous avons tous et toutes des qualités et des défauts, des forces et des faiblesses. Nous sommes tous et toutes dotés de valeurs, de certitudes, de convictions. Nous sommes tous et toutes solides par certains côtés, blessés par d'autres. Nous avons tous et toutes des moments de joies et de bonheur, des moments de solitude et de désespoir. Parfois, nous sommes victorieux des épreuves que nous inflige l'existence, parfois, elles nous meurtrissent profondément et nous ne nous en remettons pas.
En fait, tous ces facettes, ainsi qu'une multitude d'autres, sont ancrées en nous extrêmement subtilement. Ce sont elles qui font de nous des personnes différentes, avec des parcours personnels différents, avec des regards sur la vie ou sur nos relations aux autres, différents. Ce sont elles qui font que nos projets, que nos espoirs, que nos ambitions, que nos centres d'intérêts, sont différents. Et c'est cela qui fait toute la richesse et la diversité, toute la complexité et l'hétérogénéité de nos échanges, de nos conversations, de notre désir de connaitre et d'apprécier l'autre parce que, justement, il est dissemblable à nous. Le plus important, l'essentiel même, est de l'entendre, est de le comprendre, est de l'admettre, et est de se comporter avec la personne que l'on a en face de soi en conséquences.
Les indivisus assez intelligents pour cela sont rares. Rares sont ceux qui acceptent la différence, et qui modifient leur comportement, leurs actions, ou leur manière d'échanger, en fonction des personnes qui, parce que malades par exemple, ne le peuvent pas. Rares sont les individus qui ne sont pas tellement autocentrés pour réaliser que c'est à eux de s'adapter parce que, malgré tous leurs efforts, ces personnes différentes sont démunies, perdues, face à un monde et à des gens qui les blessent par leur attitude et par leurs mots les reléguant à de simples faire-valoir. Ces individus autocentrés ne voient le monde qu'en fonction d'eux-mêmes, que par rapport à leurs préoccupations ou à leurs envies. Ils n'ont généralement que peu d'empathie envers la souffrance, les humiliations, les dévalorisations qu'ils infligent aux personnes fragiles et vulnérables qu'ils cotoient. Il ne leur viendra jamais à l'esprit que leurs agissements sont aux racines mêmes du mal-être et du désespoir, de la solitude et des peurs qu'elles endurent depuis des années, voire des décennies. Non, si ces individus en avaient conscience, peut-être essayeraient-ils d'être davantage bienveillants ou à l'écoute de ces personnes ; peut-être essayeraient-ils d'être davantage tolérants et indulgents à leur encontre ; peut-être leur permettraient-ils de davantage s'exprimer tels qu'elles sont pour qu'elles se sentent rassurées et en confiance. Peut-être, également, les respecteraient-ils davantage, les honoreraient-ils davantage, les valoriseraient-ils davantage, afin que les autres les apprécient et les estiment pour la variété et la richesse de ce que ces personnes différentes portent en elles, et qui ne se discernent pas au premier abord.
Car, là est toute la difficulté, généralement : c'est que la majorité des individus "normaux" partent du principe qu'ils n'ont pas d'effort à faire pour entamer, préserver, entretenir, et approfondir, leurs relations avec les gens qu'ils croisent ou qu'ils rencontrent. C'est naturel, c'est simple, c'est évident. Ce qu'ils oublient ou négligent - volontairement ou pas -, c'est que, pour des personnes différentes, comme vous, comme Vanessa, ou comme moi, c'est au contraire un véritable parcours du combattant. Ça n'a rien de naturel, rien de simple, rien d'évident. Elles ont besoin que ce soit les individus "normaux" qui les aident à dépasser leurs incapacités ou leurs impossibilités. Et ça, rares sont ceux qui s'en rendent-compte et qui l'intègrent dans leur comportement à leur égard. En fait, ces individus s'en moquent. Parce que tout tourne autour d'eux et de ce qui est important pour eux, ça ne les touche pas. Ils sont dénués d'empathie, de sensibilité, de souplesse, de lucidité, envers elles. Alors qu'au contraire, pour ces personnes différentes, c'est l'inverse. Elles se préoccupent surtout de prêter attention aux soucis et aux problèmes, aux fiertés et à l'épanouissement, aux métiers et aux hobbies, des autres. Elles préféreront toujours se mettre en retrait, s'enfermer dans le silence, plutôt que de "tirer la couverture à elles".
Sauf que, pour la majorité des individus "normaux", cette façon d'être ou de faire devient très vite une habitude. Ils trouvent cela finalement normal. Ce qui ne trouvent pas normal, dès lors, c'est que ces personnes différentes enfermées dans leur mutisme et dans leur isolement, cherchent un jour à modifier la donne. C'est qu'elles osent dire tout haut ce qu'elles ont si longtemps tu. C'est qu'elles cherchent à se débarasser de leurs entraves. Les individus normaux, tellement endurcis par cette routine, ne voient pas pourquoi cela changerait. Ils sont tellement convaincus qu'ils sont dans leur droit d'agir ainsi, qu'ils en stigmatisent, qu'ils jugent et condamnent ces personnes qu'ils abiment et qu'ils éprouvent si durement. Les victimes de leurs agissements, ce sont elles qui se transforment en importuns, en gêneurs, en casse-pieds.
Forcément, puisque ces personnes différentes qui n'en peuvent plus d'être traitées ainsi viennent bousculer ce qui semblait acquis et admis "naturellement". Leurs plaintes et leurs cris de douleur ou de désespoir perturbent leur train-train quotidien et leurs certitudes, leurs préjugés et leurs a priori sur la place de chacun(e) dans l'ordre établi. Et ça, pour ces individus normaux, il n'en n'est pas question. Cet ordre établi se doit d'être maintenu, à tout prix, y compris au prix de l'exclusion ou de l'élimination des véritables victimes de ce mode de fonctionnement. On est tellement mieux entre-soi, entre individus normaux qui parlent des mêmes choses, qui se préoccupent des mêmes sujets, qui ont la même vision du monde, qui ont les mêmes sortes de relations avec les autres, etc. C'est plus simple, c'est plus facile, ça demande moins de temps, moins d'efforts. Et puis, ça leur donne plus d'assurance ; ils sont plus à l'aise pour se montrer sous leur meilleur jour ; ils se sentent davantage en sécurité.
Bref, les personnes différentes ne sont pas les bienvenues, puisqu'il faudrait "se pousser un peu" pour leur faire une place ; puisqu'il faudrait les valoriser, les mettre en avant pour les aider à avoir confiance en elles ; pour avoir confiance dans les individus "normaux" qu'elles croisent. Pour les individus "normaux", ce genre de démarche est impensable ; va à l'encontre du bon sens. Ce genre de démarche, qui demande abnégation et générosité, humilité et acceptation de la différence, est généralement hors de leur portée. Car il faut vivre la différence dans sa chair, la côtoyer du matin au soir - et je ne parle pas dans le cadre de son travail quelques heures de temps en temps - pour réaliser à quel point une démarche comme celle-ci est nécessaire, vitale même, vis-à-vis de personnes comme vous et moi.
Nous rudoyer, nous bousculer, nous forcer à ce que nous ne pouvons pas accomplir, est un véritable traumatisme ; c'est un choc émotionnel sans équivalent. Ça équivaut à de la maltraitance et à de la mise en danger de personnes fragiles ou vulnérables. Malheureusement, ces aspects de leur mode de fonctionnement, ces individus normaux, ça n'entame ni leurs certitudes ni leurs convictions. C'est ce qui les rend si dangereux, si monstrueux, si mauvais, si violents et si haineux à l'encontre de personnes comme vous et moi, Catherine. C'est ce qui nous contraint à nous taire et à nous isoler davantage encore. C'est ce qui nous oblige à nous replier sur nous-même et à pleurer et à crier notre chagrin par tous les moyens qui sont à notre disposition. Ce que ces individus normaux ne tolèrent pas non plus, puisque, pour eux, l'image qu'ils ont d'eux-mêmes et que les autres ont d'eux, prime sur tout le reste. La bienveillance, la compassion, la bonté, l'écoute, la compréhension..., tout cela passe bien après la réputation, le qu'en-dira-t-on, les rumeurs, ou les commérages.
Ce qui prouve, si besoin était, que ces individus ne sont focalisés que sur eux-mêmes et sur leurs petites affaires. Ils ne voient pas au-delà. Engoncés dans leurs activités quotidiennes - aussi respectables et honorables soient-elles, c'est évident -, la seule méthode qu'ils sont dès lors à même d'employer, c'est l'outrance, c'est la colère, c'est le ressentiment, c'est la brutalité. C'est de montrer que, parce qu'ils sont les plus nombreux, leur influence est incontestée et incontestable. C'est d'afficher leur propension à la vulgarité et aux raccourcis, c'est de prôner la dictature de l'apparence et de la superficialité, comme mode de communication. Eux sont les dominants, nous, les personnes différentes, sont inévitablement les dominés. C'est leur tempérament qui l'exige. Ils ne comprennent, ils ne veulent, ils ne cherchent, que celui-là. Tout autre comportement que celui-là, ils le maltraitent, ils le répudient, ils le chassent de leur environnement immédiat.
Quand on y songe, ils se conduisent comme des barbares des temps modernes. Ils exaltent les instincts les plus primaires et les plus archaïques de notre nature humaine. Encore faudrait-il que ce soient des concepts dont ils saisissent toutes les subtilités et toutes les variantes. Vous comme moi, parce que nous sommes différents de ces individus normaux, nous sommes à même d'en concevoir les tenants et les aboutissants. Notre différence nous pousse à les percevoir et à les appréhender. Celle-ci exacerbe notre sensibilité et notre émotivité, et donc, notre capacité à en tenir compte. Ces individus normaux, justement parce que "normaux", à de rares exceptions - et heureusement qu'il en existe - sont indifférents, sont imperméables, à ces façons de se comporter "différemment". Ils sont à plaindre, en vérité.
Parce qu'il leur manque cette part d'humanité qui fait de nous des êtres évolués, empathiques, capables de se mettre à la place des personnes les plus fragiles et les plus vulnérables pour qu'elles aient toute leur place au sein de nos sociétés, ils n'agissent qu'en fonction d'eux-mêmes. Ils sont individualistes, et fiers de l'être. Ils sont rustres et frustres, et ça leur convient, évidemment. Oh, ce n'est pas une question de milieu social, de profession, d'éducation, etc. Il y a des gens simples et humbles, qui ont une instruction limitée, dont le métier est manuel ou est ingrat, qui ont davantage d'intelligence de cœur et de sagacité, d'ouverture d'esprit et de tolérance, que ceux et celles qui se prétendent au-dessus des autres par leur fortune ou leur statut social.
Non, ça n'a rien à voir. C'est juste d'être doté d'une part d'humanité qui nous élève et qui nous fait comprendre que c'est la différence et de comment elle s'en sert pour s'ouvrir aux autres, qui est la véritable richesse d'une personne. Que ce ne sont pas les biens matériels ou l'image que l'on a de nous-même ou que les autres nous renvoient qui a de la valeur. Ce ne sont que des outils. Comme je dis souvent, par exemple, l'argent n'est pas un but en soi, c'est un moyen de s'octroyer des biens nous permettant de nous enrichir humainement. Pour ma part, c'est pour les livres que j'achète, c'est pour le DVD que je regarde, c'est pour les recherches que j'entreprends, que cet argent m'est utile.
Je n'ai pas besoin de milliers d'euros sur mon compte en banque, je n'ai pas besoin d'avoir une maison aux proportions démesurées, je n'ai pas besoin d'une voiture haut de gamme ou de vêtements de marque. Tout ça, c'est futile et superficiel. Non, ce qui compte, c'est ce qui ne se voit pas. C'est ce que j'apprends ou découvre au travers des livres que je dévore, puis ce que j'en restitue au travers des textes que j'écris ou des réflexions partagées que j'en tire. Là, au moins, cet argent dépensé pour ces achats aura été opportun. Et puis, de toute façon, cet argent n'empêche ni l'âge d'avancer, ni la maladie d'apparaitre ou de progresser, ni la mort de survenir. Et tous ces biens, ils ne nous accompagnerons pas dans la tombe. Ils seront dispersés ou détruits après nous. Non, notre empreinte sur cette Terre, elle se matérialise par l'héritage "humain" que nous léguons aux générations futures. Et pour ma part - et ça ne concerne que moi, bien que d'autres partagent mon opinion -, c'est par mes connaissances, c'est par mes réflexions philosophiques, c'est par mon analyse pointue des aléas de l'actualité, c'est par mes interrogations sur le devenir de notre civilisation ou de l'Humanité, c'est par mes recherches sur le passé proche ou lointain, que je le concrétise. Maintenant, il faut être assez sensé pour le comprendre, pour l'accepter, pour l'intégrer dans les échanges qu'on a avec moi.
Je suis né différent, comme vous, Catherine, votre maladie vous rend différente. Est-ce un inconvénient ? Est-ce un secret honteux à cacher ou à taire ? Est-ce préjudiciable aux individus "normaux" ? Non, bien-sûr que non ! Ça fait partie de vos spécificités, c'est une part non négligeable de votre identité. Ce sont ceux et celles qui vous regardent comme une intruse, comme un obstacle à leurs certitudes et à leurs convictions, qui ont un problème avec vous. Ce n'est pas vous qui avez un problème avec eux. S'ils se sentent mal à l'aise, s'ils se sentent indisposés par votre différence, ça ne vient pas de vous. C'est qu'ils n'ont pas la conscience tranquille vis-à-vis de votre différence. C'est de la peur d'être confronté à quelque chose dont tls pourraient éventuellement être les victimes un jour ; dont ils seront fatalement les victimes un jour. Parce que la vieillesse ou la maladie sont des événements inévitables de l'existence, ils ne pourront pas y échapper.
En même temps, ça les terrorise, ils ne l'acceptent pas. Ils préfèrent éloigner des personnes qui y sont sujets et continuer à croire qu'ils n'y seront jamais assujettis. Or, le jour où ce sera leur tour, ils se rendront compte que l'isolement et la discrimination dont ils ont gratifié les personnes comme vous et moi, ils en seront victimes eux aussi. Et ce jour-là, ils n'auront que leurs larmes pour pleurer, puisque leur comportement de jadis, ce seront eux qui en seront les sujets. Ce qu'ils voulaient éviter à tout prix, ce seront eux qui l'endureront. Et croyez-moi, ils auront moins de capacité à s'adapter à cette situation, ils en souffriront mille fois plus que vous ou moi, parce qu'ils n'y auront pas été mis en présence auparavant. En refusant une place légitime dans leur existence à des personnes comme vous et moi, c'est eux qu'ils condamnent à souffrir de ségrégation et d'abandon dans un futur pas si lointain que cela.
Voilà tout ce que je souhaitais partager avec vous aujourd'hui, Catherine. J'ai mis trois heures à écrire cette lettre. C'est le prix de la mise par écrit de ces réflexions sur la place de la différence - la vôtre, la mienne, d'autres - dans notre société. Sachez que c'est un thème qui me tient particulièrement à coeur, puisque mon entourage me soumet régulièrement à ce genre de ségrégation. Ma psychologue m'encourage également à le retranscrire de cette manière. Car, en échangeant avec elle, et avec les autres psychologues que j'ai rencontré notamment lors de mon hospitalisation, elles ont bien compris que dans le cadre de tout ce que je viens d'évoquer, le problème, ce n'est ni vous ni moi, ce sont ces individus "normaux" qui se comportent comme ils le font avec nous.
J'attends donc de vos prochaines nouvelles. Et en attendant, je vous souhaite une bonne continuation. Et puis, n'oubliez jamais que la personne courageuse, méritante, digne, estimable, c'est vous, pas ces individus normaux.
Amicalement votre.

Dominique     

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